L’activité physique spontanée en condition d’obésité ralentit la croissance tumorale en modulant les signaux hormonaux tissulaires
Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 33, Issue 1, March 2019, Page 73 D.Le Guennec
Introduction et but de l’étude
En situation d’obésité, les dérégulations du tissu adipeux induisent la sécrétion d’œstradiol et de leptine (pro-inflammatoire) aux dépens d’adiponectine (anti-inflammatoire), une augmentation du stress oxydant associée à une baisse des capacités anti-oxydantes favorisant un microenvironnement pro-carcinogène. L’activité physique (AP), facteur de prévention de l’obésité et des cancers, favorise une inflammation aiguë modérée, la réponse anti-oxydante et la sécrétion d’adipokines anti-inflammatoires. Les mécanismes de protection de l’AP dans le cancer mammaire sont mal connus. Le but est de caractériser le dialogue inter-organe induit par l’AP spontanée et l’impact sur la croissance tumorale dans un modèle de carcinogenèse mammaire murin en situation d’obésité.
Matériel et méthodes
Des souris C57BL/6 âgées (n = 10/groupe), ovariectomisées, nourries avec un régime hyper-lipidique, sont hébergées en environnement standard (ES) ou en environnement enrichi (EE) favorisant l’AP spontanée. Après 4 semaines, des cellules tumorales syngéniques EO771 sont implantées par fat-pad. Au sacrifice, l’exploration des adipokines et des cytokines a été conduite dans les organes d’intérêt (tumeur, tissu adipeux inguinal, gastrocnémien, plasma) ainsi que la caractérisation du statut oxydatif et des voies de signalisation (JNK, AKT, NFκB, p38, S6K1) de la tumeur.
Résultats et analyse statistique
L’EE entraîne une augmentation de l’AP sans modification des masses maigres et adipeuses, ni des métabolites énergétiques (triglycérides, glucose). L’analyse factorielle multiple montre que les variables expliquant les différences entre individus sont les masses adipeuses (totale, viscérale et inguinale), l’adiponectine plasmatique, les taux de leptine des tissus d’intérêt, les capacités anti-oxydantes et les voies de signalisation intra-tumorales. Les adipokines plasmatiques sont corrélées aux masses adipeuses et aux voies de signalisation tumorales. Le taux de leptine dans le gastrocnémien est corrélé avec celui de la tumeur (r2 = 0,57 p < 0,05) et montre une forte diminution chez les animaux EE vs ES (tumeur : 0,30 ± 0,07 vs 0,60 ± 0,10 pg/mg ; p < 0,05 ; gastrocnémien : 0,09 ± 0,03 vs 0,45 ± 0,11 pg/mg ; p < 0,05). L’IL6 plasmatique est diminuée et associée à une réduction du stress oxydant tumoral (thiols protéiques, GST, thiorédoxine) pour les souris EE vs ES. Une baisse de l’activation des voies tumorales de signalisation est observée pour les souris EE vs ES, corrélée positivement avec les masses musculaires et négativement avec les masses adipeuses.
Conclusion
Ces résultats montrent que l’activité physique spontanée en condition d’obésité ralentie la croissance tumorale, en modifiant le dialogue inter-organe, conduisant à une réduction de l’inflammation et du stress oxydatif du microenvironnement tumoral. Une consommation de la leptine est observée dans la tumeur et le gastrocnémien alors que la production au niveau du tissu adipeux et la distribution plasmatique ne semblent pas affectées. Ainsi, l’activité physique module les signaux hormonaux tissulaires conduisant à une moindre stimulation des voies de signalisation nécessaires à la croissance tumorale.