par Nutrimuscle-Conseils » 27 Mar 2022 13:49
Consommation d’édulcorants et risque de cancer dans la cohorte NutriNet-Santé
C.Debras Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 36, Issue 1, Supplement, February 2022, Pages S16-S17
Introduction et but de l’étude
Les effets délétères du sucre sur l’apparition de différentes maladies chroniques ont été établis. Les industries agro-alimentaires se sont donc tournées vers l’utilisation d’édulcorants artificiels comme alternatives au sucre dans de nombreux aliments et boissons. Toutefois, l’innocuité de ces additifs alimentaires est débattue et les résultats restent contrastés quant à leur rôle dans l’étiologie de diverses maladies. En particulier, leur cancérogénicité a été suggérée par plusieurs études expérimentales, mais les preuves épidémiologiques solides font défaut. Ainsi, notre objectif était d’étudier les associations entre les apports en édulcorants (au total, toutes sources alimentaires confondues ; et les plus fréquemment consommés : l’aspartame e951, l’acésulfame-K e950 et le sucrolase e955) et le risque de cancer (au global et par localisation) dans une vaste cohorte prospective.
Matériel et méthodes
102 046 adultes de la cohorte française NutriNet-Santé (2009–2021) ont été inclus dans nos analyses (âge moyen : 42,1 ± 14,5). La consommation d’édulcorants a été évaluée par des enregistrements alimentaires de 24 heures répétés comprenant les noms et les marques des produits industriels. La composition qualitative et quantitative en édulcorants a été déterminée grâce au croisement avec différentes bases de données (OFF, Oqali, GNPD, EFSA) ainsi qu’avec des dosages ad hoc. Les associations entre les édulcorants et les risques de cancer ont été évaluées par des modèles de Cox ajustés sur les principaux facteurs de confusion.
Résultats et analyse statistique
Comparés aux non-consommateurs, les plus forts consommateurs d’édulcorants présentaient un risque plus élevé de cancer au global (n = 2527 cas incidents, HR = 1,12, intervalle de confiance à 95 % : 1,00–1,25, p de tendance = 0,005). En particulier, l’aspartame (HR = 1,20 ; IC95 % : 1,05–1,38 ; p = 0,001) et l’acésulfame-K (HR = 1,18 [1,04–1,34] p = 0,003) étaient associés à un risque accru de cancer. De même, des risques plus élevés étaient observés pour le cancer du sein (n = 723 cas, HR = 1,25 ; IC95 % :1,02–1,53 ; p = 0,01 pour les édulcorants totaux, HR = 1,33 ; IC95 % : 1,05–1,69 ; p = 0,007 pour l’aspartame et HR = 1,39 ; IC95 % : 1,11–1,74 ; p = 0,003, pour l’acésulfame-K) et les cancers liés à l’obésité (n = 1509 cas, HR = 1,16 ; IC95 % : 1,00–1,33 ; p = 0,02 pour les édulcorants totaux, HR = 1,22 ; IC95 % : 1,02–1,45 ; p = 0,01 pour l’aspartame et HR = 1,23 ; IC95 % : 1,04–1,45 ; p = 0,01, pour l’acésulfame-K).
Conclusion
Dans cette vaste cohorte prospective, les édulcorants artificiels (en particulier l’aspartame et l’acésulfame-K), utilisés dans des milliers d’aliments et de boissons dans le monde, étaient associés à un risque accru de cancer. Ces résultats fournissent des informations importantes et inédites pour la réévaluation en cours des additifs alimentaires de type édulcorants par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d’autres agences sanitaires dans le monde.