Ca sent l'information internet à plein nez
Discours nutritionnel des coaches de fitness francophones via les médias
Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 30, Issue 2, June 2016, Pages 119 F. Ramponi
Introduction et but de l’étude
Le nombre de coaches de fitness est en augmentation. Assumant un rôle de promoteur de la santé, ils diffusent des conseils nutritionnels à travers les médias, dont Internet, canal de communication privilégié pour la recherche d’informations santé. Quelle est la pertinence de ces conseils potentiellement transmis aux pratiquants de fitness tout-venant ? Peu d’études ont évalué le discours des coaches de fitness et aucune n’a utilisé les médias comme support d’analyse. Le but de cette étude était d’identifier et d’analyser le discours nutritionnel des coaches de fitness francophones via les médias en termes de macronutriments, complément alimentaire, hydratation et régime et de le comparer aux recommandations nutritionnelles en vigueur en Suisse.
Matériel et méthodes
Le discours nutritionnel a été recueilli sous forme de propos via un système de codage. Nous avons sélectionné 38 coaches de fitness francophones ayant émis 128 propos nutritionnels dans l’un des médias suivants : Twitter®, YouTube®, Facebook®, sites de Google® et deux magazines de fitness. Une analyse de contenu a permis une description objective du discours via un versant quantitatif en mesurant les fréquences recommandées pour les macronutriments (glucides, lipides, protéines), compléments alimentaires et hydratation et un versant qualitatif en relevant les spécificités du discours pour la variable régime. Une comparaison aux recommandations de la Société suisse de nutrition et aux guidelines de l’American College of Sport Nutrition, de l’International Olympic Committee et de l’International Society of Sport Nutrition a été effectuée.
Résultats
Concernant les résultats quantitatifs, 62 % des propos étaient non conformes aux recommandations. Les coaches conseillaient les compléments alimentaires dans 95 % des propos récoltés, ainsi qu’une alimentation hypoglucidique et hyperprotéinée dans respectivement 37 % et 60 % des propos. Pour les variables lipide et hydratation, respectivement 67 % et 73 % des propos correspondaient aux recommandations. Pour les résultats qualitatifs, 74 % des coaches avaient des propos non conformes aux recommandations en conseillant les régimes Zone ou Paléo, l’utilisation de plans alimentaires, en attribuant des propriétés miracles à certains aliments, en recommandant d’en exclure certains autres et en conseillant des phases de restriction et de compulsion alimentaires.
Conclusion
Cette étude est la première à avoir analysé le discours nutritionnel des coachs de fitness à travers les médias. Les résultats montrent un décalage inquiétant entre le discours des coaches et les recommandations. Ce décalage peut avoir des répercussions tant en termes de carences nutritionnelles que de troubles alimentaires, potentiellement induits par une restriction cognitive à l’égard de certains aliments, ainsi que par la norme de beauté transmise par les coaches de fitness via les médias, miroir déformant de la réalité. Les spécialistes de la nutrition, tels que le(la)(s) diététicien(ne)(s), devraient prendre une place dans l’enseignement en nutrition des coaches de fitness, fréquemment lacunaire. Des programmes de prévention pourraient être créés afin de sensibiliser les récepteurs du discours à reconnaître l’information scientifique et à critiquer le contenu médiatique.