BIOARTIFICIEL. Des chercheurs créent un muscle auto-régénérant
Des chercheurs ont recréé un muscle à partir de cellules souches. Robuste et capable de se régénérer, son implantation sur la souris a été un succès.
C’est une belle expérience qu’a réalisée une équipe de chercheurs en ingénierie biomédicale de la Duke University (États-Unis). Ce groupe de scientifiques a réussi à créer un muscle squelettique in vitro et à l’implanter chez des souris. Leurs travaux ont été publié le 25 mars dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).
Les muscles squelettiques ont pour fonction d'assurer la motricité du corps, en permettant de faire bouger le squelette de manière volontaire. Parmi les plus connus du corps humain on peut citer les biceps, les triceps ou les abdominaux.
Pour créer ce tissu musculaire, les chercheurs ont mélangé des cellules souches de souris à un hydrogel, une substance plasmatique similaire à un gel et composée de biopolymère. Cette mixture a ensuite grandi pendant deux semaines jusqu’à ce que les cellules se soient multipliées et différenciées en de solides fibres musculaires.
"Le muscle que nous avons créé représente une avancée importante dans le domaine de l’ingénierie biomédicale. C’est le premier à pouvoir se contracter aussi fort qu’un muscle squelettique néonatal" - Nenad Bursac, co-auteur de l'étude.
Avant d’implanter ce muscle sur des souris, ils ont en effet mesuré sa puissance contractile en le stimulant par pulsation électrique (voir la vidéo ci-dessous).
Ces muscles "de laboratoire" en plus de se contracter de façon rapide et puissante ont démontré leur capacité à se régénérer. Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs devaient parvenir à intégrer à leur préparation des cellules satellites.
Ces cellules souches ont la spécificité de rester inactives jusqu’à ce qu’une lésion musculaire survienne. Elle se mettent alors en action, prolifèrent et se différencient en cellules musculaires afin de réparer les dommages causés au tissu musculaire. Certaines cellules restent indifférenciées afin de reconstituer le stock de cellules satellites qui se remettent alors en "hibernation"... jusqu’à la prochaine lésion.
Le muscle a été exposé à du venin de serpent, il s'en est remis
La clé du succès pour ces chercheurs était de parvenir à intégrer ces cellules satellites dans le tissu musculaire. "Le muscle que nous avons créé fourni aux cellules satellites des niches dans lesquelles elles peuvent être stockées et, lorsqu’il y a besoin, relâchées pour régénérer le muscle" explique Nenad Bursac, professeur associé à la Duke University.
Pour tester cette capacité de régénération, les chercheurs ont endommagé le muscle avec une toxine extraite du venin d'un serpent pour s’assurer que les cellules satellites étaient capables de s’activer.
De gauche à droite les différents stades traversés par les fibres musculaires : avant l'exposition à la toxine, 6 heures, 5 jours et 10 jours après. (crédit : Duke University)
Une fois que cette capacité à se régénérer a été démontrée, les chercheurs ont donc implanté le muscle chez la souris.
Et, c'est l'autre originalité de cette étude, ils ont pu observer l’adaptation et les réactions de ce muscle en temps réel et directement sur les rongeurs greffés. Grâce à un dispositif laissant apparaître le muscle en transparence, les scientifiques ont pu observer le nouveau tissu musculaire pendant que la souris marchait.
Observer la revascularisation des tissus
Ils ont pu constater en direct la réussite de cette greffe en observant le réseau sanguin des rongeurs recoloniser le muscle bioartificiel pour alimenter celui-ci en sang frais et lui permettre de gagner en force. La vidéo ci-dessous montre ce processus de revascularisation des tissus.
Le seul inconvénient de cette expérience c'est que ce muscle n’avait pas la capacité de répondre aux ordres du cerveau, les chercheurs n'ayant pas connecté le muscle au système neuronal de l’animal. Un détail ennuyeux pour un muscle dont l'utilité première est la motricité du squelette.
Quoiqu'il en soit les chercheurs ont d'ores et déjà commencé à travailler sur de possibles applications thérapeutiques afin de savoir s'il serait possible de s'en servir pour soigner des lésions musculaires.
"Pourra-t-il un jour vasculariser, innerver et réparer d'éventuelles lésions musculaires chez l'homme ? se demande Nenad Bursac. C'est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans les prochaines années."
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