Évolution des critères de choix alimentaires et de la qualité nutritionnelle de l’alimentation pendant le confinement lié à l’épidémie de COVID-19 en France
L.Marty Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 35, Issue 1, April 2021, Page 25
Introduction et but de l’étude
Afin de limiter la propagation de la COVID-19, le gouvernement français a imposé un confinement à la population entre les 17 mars et 10 mai 2020. Ce changement radical des conditions de vie a pu modifier les habitudes de consommation alimentaire. Nous avons étudié les modifications de critères de choix alimentaires et de qualité nutritionnelle de l’alimentation entre avant et pendant le confinement, afin de décrire dans quelle mesure l’évolution des critères de choix alimentaires pouvaient prédire les changements de qualité nutritionnelle.
Matériel et méthodes
Au moyen de questionnaires en ligne, 938 adultes (736 femmes) ont rétrospectivement reporté leurs consommations et leurs critères de choix alimentaires durant le mois ayant précédé le confinement et le premier mois du confinement. Les consommations alimentaires étaient mesurées à l’aide d’un questionnaire de fréquence alimentaire incluant 110 aliments, 12 boissons non-alcoolisées et 4 boissons alcoolisées. La qualité nutritionnelle de l’alimentation avant et pendant le confinement a été estimée selon son adéquation aux recommandations du PNNS 2017 grâce au calcul du score PNNS-GS2, de −17 à 11,5. Par ailleurs, pour chacune des périodes considérées, les participants ont indiqué l’importance de neuf critères pour leurs choix alimentaires sur une échelle de 1 à 4 : santé, praticité, sensorialité, naturel, éthique, contrôle du poids, humeur, familiarité et prix.
Résultats et analyse statistique
En moyenne, la qualité nutritionnelle de l’alimentation s’est détériorée durant le premier mois de confinement comparé au mois précédent (−0,32 ± 2,28 ; p < 0,001), avec une augmentation de la consommation de charcuteries, d’aliments sucrés, de boissons sucrées et alcoolisées. L’importance de chaque critère de choix a également évolué : baisse pour la praticité, la familiarité et le prix, augmentation pour l’humeur, le contrôle du poids, la santé, l’éthique, le naturel et la sensorialité. Une augmentation de l’importance du critère « contrôle du poids » était associée à une amélioration de la qualité nutritionnelle (β = 0,89 ; p < 0,001), tandis qu’une augmentation de l’importance du critère « humeur » était associée à une détérioration de la qualité nutritionnelle (β = −0,43 ; p = 0,021). L’évolution des autres critères n’était pas associée à une modification de la qualité nutritionnelle.
Conclusion
La période de confinement en France s’est traduite par une baisse moyenne de la qualité nutritionnelle de l’alimentation, en partie expliquée par une augmentation de l’importance du critère « humeur » dans les choix alimentaires. Manger aurait donc été un moyen de se remonter le moral durant cette période, au détriment de la qualité nutritionnelle. Cependant, ceux qui ont cherché à mieux contrôler leur poids durant cette période ont amélioré la qualité nutritionnelle de leur alimentation. De plus, l’importance accrue des valeurs santé, éthique et naturel de l’alimentation démontre un intérêt grandissant pour une alimentation durable. De futures recherches permettront d’étudier si ces changements restent stables dans le temps.