Un faible statut en acides gras oméga-3 à longue chaine en début de grossesse est associé à un risque plus élevé de dépression post-partum
Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 33, Issue 1, March 2019, Pages 29-30 A Hoge
Introduction et but de l’étude
La dépression est l’une des complications du post-partum les plus fréquentes, avec une prévalence estimée entre 10 et 20 % à travers le monde. Son dépistage, sa prévention et sa prise en charge sont indispensables pour éviter les conséquences négatives de cette pathologie, tant sur la mère que sur la relation mère-bébé et le développement neurocognitif et affectif de l’enfant. Le rôle des acides gras sur la santé mentale a été largement étudié en population générale. Dans le cadre du post-partum, des études observationnelles mettent en évidence une relation entre la consommation d’acides gras polyinsaturés oméga-3 (AGPI n-3) et la santé mentale maternelle ; néanmoins, les preuves restent mitigées. Les recherches fondées sur les analyses sanguines montrent que la déplétion des réserves maternelles en DHA, observée au cours de la grossesse, et la lente normalisation du statut post-partum, augmenterait le risque de dépression post-partum (DPP) [1].
La présente étude vise à étudier l’association entre les AGPI n-3 érythrocytaires, mesurés en début de grossesse, et le risque de DPP.
Matériel et méthodes
Soixante-douze femmes enceintes de 6 à 18 semaines, ayant assisté à une consultation prénatale au Centre Régional de la Citadelle de Liège (Belgique), ont été inclues. La prise de sang a été effectuée lors du recrutement, et l’analyse des acides gras polyinsaturés érythrocytaires a été réalisée par chromatographie en phase gazeuse. L’index oméga-3 représente le pourcentage d’acides gras oméga-3 à longue chaine (EPA et DHA) sur l’ensemble des acides gras présents au niveau de la membrane des érythrocytes. La DPP a été déterminée un an après l’accouchement, lors d’une interview téléphonique se basant sur les critères diagnostiques du DSM-V (épisode dépressif majeur).
Résultats et analyse statistique
Afin de tester l’impact des AGPI n-3 sur la survenue de la DPP, la méthode de régression logistique a été utilisée. Le modèle a été ajusté par plusieurs autres facteurs de risque tels que les caractéristiques sociodémographiques, les antécédents de dépression et les évènements stressants. Une association négative a été observée entre les taux de DHA et le risque de dépression post-partum (p = 0,044). Nos résultats ont révélé qu’un index oméga-3 inférieur à 5 % (seuil préalablement proposé par [2]) augmente d’environ 5 fois le risque de DPP en comparaison à un index oméga-3 supérieur ou égal à 5 % (OR 4,75 [1,16–19,4]). Enfin, un rapport oméga-6/oméga-3 élevé a été significativement associé à un risque augmenté d’épisode dépressif majeur du post-partum (p = 0,023).
Conclusion
La DPP se révèle être un enjeu important de santé publique, de par sa prévalence élevée et ses conséquences à plus ou moins longs termes. Dans notre étude, un faible statut en acides gras oméga-3, seul ou combiné à un taux élevé d’acides gras oméga-6, a été associé à un risque plus élevé de DPP dans l’année qui a suivi l’accouchement. Les interventions nutritionnelles au cours de la période périnatale peuvent constituer une stratégie simple et rentable pour prévenir les déficits nutritionnels et réduire ainsi la prévalence de la DPP.