Effet de la bypass gastrique sur la biodisponibilité des protéines alimentaires et l’anabolisme protéique chez le rat
Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 31, Issue 3, September 2017, Pages 222 R. Tessier
Introduction et but de l’étude
La chirurgie bariatrique est un traitement efficace de l’obésité morbide et de ses complications métaboliques. Elle peut cependant entraîner des carences nutritionnelles dont la carence protéique. La malabsorption protéique peut être un facteur de risque de la dénutrition protéique, mais il n’existe pas de données claires à ce sujet. L’objectif de notre étude était d’évaluer chez le rat l’impact d’une bypass gastrique sur la biodisponibilité des protéines alimentaires et le statut protéique.
Matériel et méthodes
Des rats, rendus obèses par un régime hyperlipidique, ont été opérées par une bypass gastrique Roux-en-Y (RYGB, n = 18, survie : 9 sur 18) ou à blanc (Sham, n = 10, survie 9 sur 10). Les rats Sham ont reçu la même quantité de nourriture que les rats RYGB (pair-fed). La composition corporelle a été quantifiée avant et après chirurgie à l’aide d’un scanner EchoMRI 900. Deux semaines après l’opération, la digestibilité réelle des protéines a été mesurée 6 h après l’ingestion d’un repas test contenant des protéines intrinsèquement marquées à l’azote 15N. Après sacrifice de l’animal et dissection du tube digestif, l’azote alimentaire a été déterminé dans les contenus des différents segments (estomac, intestin grêle, caecum, côlon) par spectrométrie de masse à ratio isotopique couplé à un analyseur élémentaire. Le taux de synthèse protéique dans les tissus a été mesuré grâce à l’injection intraveineuse d’une dose massive de (13C)-valine avant le sacrifice. Les résultats sont exprimés en moyennes (± ESM) et analysés par un test de t de Student (p < 0,05).
Résultats
Par rapport à la période préopératoire, la prise alimentaire était diminuée de 49 % chez les individus du groupe RYGB. La perte de poids était supérieure chez les individus du groupe RYGB par rapport à ceux du groupe Sham (14 ± 2 % contre 7 ± 0,8 %, p = 0,002), de même que la perte de masse grasse (33 ± 5 % contre 20 ± 1 %, p = 0,03) mais pas celle de masse maigre, en moyenne de 7 ± 1,5 %. Six heures après l’ingestion du repas test, il y avait significativement plus d’azote exogène dans le caecum des rats Sham par rapport aux RYGB, mais pas de différences entre les groupes dans les autres segments du tube digestif. La digestibilité des protéines alimentaires était plus faible dans le groupe Sham que dans le groupe RYGB (93,1 ± 0,6 % contre 95,2 ± 0,7 %, p = 0,03). L’analyse morphologique a révélé une hypertrophie du jéjunum et de l’iléon chez les rats RYGB. Le taux de renouvellement protéique dans le foie, le muscle et la peau était similaire entre les groupes, mais fortement diminué (p < 0,0001) dans le rein des rats RYGB (72,2 ± 3,2 %/j) par rapport aux rats Sham (98,4 ± 3,3 %/j).
Conclusion
Notre étude révèle que la biodisponibilité des protéines alimentaires est améliorée par le RYGB. Ce résultat inattendu peut être attribué à une surcompensation de la réduction de la surface d’absorption par l’hypertrophie de la muqueuse de l’intestin grêle. Par ailleurs, notre étude montre que l’anabolisme rénal est fortement influencé par le RYGB. Des investigations supplémentaires sont nécessaires pour identifier les protéines impliquées dans cette diminution de l’anabolisme rénal.