Le tissu adipeux, organe de stockage des graisses, possède des cellules capables de se différencier en cellules musculaires. Injectées à des souris, elles ont permis de réparer leurs muscles déficients.
Encombrant, disgracieux pour certains, le tissu graisseux finirait-il par avoir une utilité thérapeutique ? C'est ce que semble confirmer la récente découverte d'équipes françaises. Christian Dani et Gérard Ailhaud, équipes mixtes Inserm-CNRS à Nice, ont réussi à isoler dans le tissu adipeux une population de cellules souches aux capacités étonnantes [1]. Précurseurs des adipocytes, ces cellules ont été capables de se différencier en cellules musculaires, une fois cultivées in vitro.
Les équipes niçoises ont ensuite injecté ces cellules souches appelées hMADS (pour « Human Multipotent Adipose Derived Stem cells ») dans le muscle de souris modèles pour la myopathie de Duchenne. Cette maladie génétique est liée à l'absence d'expression de la dystrophine, une protéine indispensable au bon fonctionnement du muscle. Résultat : « Dix jours après la greffe, ces cellules souches ont donné naissance à des cellules musculaires fonctionnant normalement », explique Christian Dani. En effet, plus de 50 % des fibres musculaires des rongeurs ont exprimé la dystrophine.
Aucune réaction immunologique n'a par ailleurs été observée contre ces cellules humaines, ni contre la dystrophine, alors même que les souris n'étaient pas sous immunosuppresseurs. Pour les chercheurs, cette absence de réaction s'expliquerait par le fait que ces cellules hMADS ont été récupérées chez des enfants et qu'elles n'expriment donc que faiblement les antigènes d'histocompatibilité responsables du phénomène de rejet de greffe. Reste à savoir si de telles cellules sont encore présentes dans le tissu adipeux d'adultes, où il serait éthiquement plus facile de les récupérer. Si cette hypothèse est confirmée, ces cellules pourraient être prélevées chez des sujets sains pour être ensuite implantées chez des patients atteints de maladies musculaires.
De fait, le potentiel des cellules souches adipeuses se révèle énorme. Découvertes pour la première fois en 2001 par une équipe californienne, certaines d'entre elles se sont, depuis, montrées capables de se différencier en cellules osseuses, vasculaires, cardiaques ou en cellules de cartilage. La société MacroPore Biosurgery, en Californie, a récemment exposé des résultats précliniques très encourageants : injectées en intracoronaire, ces cellules ont permis d'améliorer la fonction cardiaque de porcs ayant eu un infarctus du myocarde, deux jours plus tôt.
Une équipe madrilène a injecté des cellules souches adipeuses à quatre patients atteints de la maladie de Crohn (une inflammation chronique de l'intestin). Elles ont permis de stimuler la cicatrisation de fistules anales. « Le grand avantage de ces cellules, c'est qu'elles sont très facilement récupérables », rappelle Louis Casteilla, de l'université de Toulouse. Certains chirurgiens esthétiques américains conseillent d'ores et déjà à leurs patientes de conserver le tissu retiré lors de leur liposuccion. Macropore Biosurgery propose, quant à elle, des solutions de stockage des cellules graisseuses.
Émilie Gillet