Vitamine D plasmatique et risque de survenue d’une démence dans une population âgée : cohorte des Trois-Cités-Bordeaux
Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 28, Supplement 1, December 2014, Pages S51 C. Feart
Introduction et but de l’étude
De nombreuses personnes âgées ont un statut déficitaire en vitamine D. Au-delà de son rôle dans la santé osseuse, la vitamine D est un micronutriment liposo-luble qui pourrait être protecteur contre la survenue de démence. Très peu d’études longitudinales sont disponibles pour investiguer cette relation en population générale âgée. L’objectif de cette étude était d’analyser l’association entre les concentrations plasmatiques de vitamine D et le risque de démence dans une population de sujets âgés français vivant au domicile.
Matériel et méthodes
La population d’étude (73,4 ans en moyenne, 63 % de femmes) était constituée de 955 participants de la cohorte des Trois-Cités-Bordeaux, initialement non déments et revus au moins une fois entre 1999–2000 (inclusion) et 2011–2012. Des dosages plasmatiques de 25-hydroxyvitamine D (25(OH)D), cholestérol et triglycérides ont été réalisés à l’inclusion. Les participants dont les concentrations plasmatiques en 25(OH)D étaient strictement inférieures à 25 nmol/L étaient considérés comme déficitaires, ceux dont les concentrations plasmatiques en 25(OH)D étaient comprises entre 25 et 50 nmol/L étaient considérés comme insuffisants. Des informations sociodémographiques ainsi que des indicateurs de l’état de santé ont été recueillis. Suite à la passation d’une batterie de tests neuropsychologiques et à un entretien avec un neurologue, les cas incidents de démence ont été validés à chaque suivi (environ tous les 2 ans) par un comité de neurologues indépendants.
Résultats et Analyse statistique
À l’inclusion, 286 participants (30 %) étaient déficitaires en vitamine D, et 515 participants (54 %) étaient insuffisants. Au cours d’un suivi moyen de 10,8 ans (étendue 6,4–13,2 ans), 187 cas de démence incidente ont été diagnostiqués. Après ajustement sur l’âge, le sexe, le niveau d’études et de revenus, la date de prélèvement sanguin, l’activité physique, les antécédents cardiovasculaires, la présence d’une hypertension, d’un diabète, d’une hypercholestérolémie, d’une symptomatologie dépressive, la possession de l’allèle e4 du gène de l’apolipoprotéine E, les niveaux de triglycérides circulants, l’indice de masse corporelle, le tabagisme, et la consommation d’alcool, le déficit en vitamine D (< 25 nmol/L) était associé significativement à un risque doublé de démence au cours des 12 ans de suivi (Hazard Ratio (HR) = 2,00, Intervalle de Confiance à 95 % (IC 95 %) 1,15–3,51, P = 0,014). Les sujets insuffisants en vitamine D (25–50 nmol/L) avaient un risque accru de démence à la limite de la significativité (HR = 1,71, IC 95 % 0,99–2,93, P = 0,053) dans le modèle multivarié complet.
Conclusion
Cette étude a mis en évidence un risque de démence multiplié par 2 au cours d’un suivi de 12 ans chez les participants déficitaires en vitamine D à l’inclusion, malgré la prise en compte de nombreux facteurs de confusion potentiels. Les mécanismes mis en jeu dans cette association devront être explorés.