Modulation des préférences alimentaires induites par le recouvrement d’une déficience en protéines chez l’homme
Nutrition Clinique et Métabolisme Volume 31, Issue 3, September 2017, Pages 224 S. Fromentin
Introduction et but de l’étude
Le contrôle de la consommation de protéines, qui représentent une composante du régime strictement indispensable à la survie, est un élément clé dans les processus de contrôle de choix et de l’ingestion alimentaire chez l’humain. On ignore cependant les critères décisionnels, sensoriels notamment, sur lesquels nous basons nos choix alimentaires en vue d’assurer l’adéquation de notre régime à nos besoins protéiques. Un régime déficient en protéines est connu pour entraîner une recherche non consciente de protéines alimentaires. En comparant les choix d’une cohorte de sujets en déficience protéique à ceux des même sujets consommant les protéines à un niveau habituel, nous avons cherché à identifier les critères implicites d’évaluation de la teneur en protéine des aliments.
Matériel et méthodes
Vingt-trois sujets sains (dont 13 femmes) ont été recrutés, âgés entre 18 et 35 ans, l’IMC compris entre 18 et 25 kg/m2 et ne suivant pas de régime particulier. Ces sujets ont suivi deux phases d’intervention successives, durant lesquelles ils ont consommé des régimes apportant soit 0,5 g de protéine/kg/j, soit 1,4 g/kg/j. Les deux régimes étaient isoénergétiques et la variation de la teneur en protéines était compensée par une variation de la teneur en lipides et en glucides. Chaque période de régime a duré 4j, les périodes étant séparées par 10 j où les sujets ont retrouvé leur alimentation habituelle. À la fin de chaque période de régime, les sujets ont complété un test lors duquel il leur a été demandé de choisir l’aliment préféré parmi des paires d’images d’aliments différant par leur teneur en protéines, taille de portion, ou qualités sensorielles (total de 153 comparaisons). Le score de préférence a été estimé pour les différents aliments évalués à l’aide des modèles de Bradley-Terry. L’effet du régime sur ces scores de préférence, ainsi que son interaction avec les qualités nutritionnelles et sensorielles des aliments, a été ensuite étudié.
Résultats
L’analyse des tests de préférence a révélé un effet significatif du régime sur les préférences alimentaires des sujets (p = 0,0047). En particulier, le facteur régime a montré une interaction significative avec le facteur taille de portion (p = 0,0002) : en effet, le poids accordé au facteur taille de portion était significativement plus important pour les préférences observées après régime à teneur en protéines plus basse. Les autres facteurs relatifs aux qualités des aliments, à savoir, la teneur en protéines des aliments et leur goût salé ou sucré, n’ont pas manifesté d’interaction avec le facteur régime (p = 0,11 et p = 0,14, respectivement).
Conclusion
Cette étude a permis de mettre en évidence des modifications de préférences induites par une diminution de consommation protéique, et ce dès 4 j de régime réduit en protéines. Les sujets soumis à une restriction protéique semblent orienter leurs choix vers des tailles de portion plus importantes. Tandis qu’une telle stratégie pourrait effectivement augmenter les apports protéiques, elle pose des problèmes potentiels de dépassement de consommation calorique. Il convient de s’interroger sur les mécanismes causant ces choix, afin d’étudier la possibilité d’orienter les consommateurs vers des aliments plus riches en protéines par exemple.