Votre médecin, vous le voulez avec ou sans pub ?
Mettons nous en situation.
Vous devez acheter un siège auto pour votre tout nouveau bébé. Pour le choisir, vous avez plusieurs options.
Vous pouvez choisir le dernier sorti, avec sa double page de pub dans le magazine MeilleurSiègeAutoDuMonde. Il est beau, il est design, il a un bel imprimé approuvé par la police du style. Bon, pas de chance, il a des résultats pourris aux crash-tests et il coûte les yeux de la tête. Mais il fait classe dans la voiture.
Vous pouvez aussi vous renseigner. Lire le dossier de l’UFC Que Choisir, les résultats des crash-tests français et étrangers, et déterminer quel modèle présente le meilleur rapport qualité/prix et avantages/inconvénients.
Maintenant, imaginez ce que ça donnerait si vous n’aviez pas le droit de choisir vous-même. Un conseiller en sièges auto va le choisir pour vous, et vous donner un bon pour obtenir un modèle précis.
C’est votre siège auto, c’est votre enfant, c’est votre argent. Si vous tombez sur un conseiller qui le souhaite, il peut prendre votre avis. Vous présenter les différentes options. Mais il peut aussi vous obliger à prendre tel ou tel siège auto.
Le pouvoir du médecin, c’est ça. C’est de choisir pour vous, ou avec vous, ce qui peut vous protéger ou vous tuer.
Alors il peut être intéressant de savoir comment il choisit. Comment il connaît les nouveautés. Pub ou pas pub?
La pub, tout le monde connaît, on en entend, on en voit, on en lit à longueur de journée.
Nouveau shampoing: + 17% de brillance! (sur 12 femmes qui l’ont testé gratuitement pendant 2 semaines)
Remise de 6000 euros sur notre dernier modèle de super voiture (enfin en enlevant la prime bidule, la reprise machin, et en prenant la version avec toutes les options)
Efficacité du déo garantie 5 jours en courant un marathon dans le désert (et alors, la marmotte…)
La publicité est un métier, avec ses techniques de communication, ses images chocs, ses slogans qui restent en tête, ses musiques accrocheuses… Parfois les ficelles sont trop grosses, et on se dit que vraiment il faudrait arrêter de nous prendre pour des abrutis.
Souvent, ça fonctionne. On ne va pas forcément au supermarché exprès pour acheter ces biscuits-là, mais on est suffisamment influencés pour se dire « pourquoi pas essayer? ».
La visite des représentants des firmes pharmaceutiques dans les cabinets des médecins, dans les hôpitaux, auprès des étudiants en médecine, c’est de la pub. Ni plus, ni moins.
Les objectifs des firmes pharmaceutiques sont des objectifs de vente. Ce sont des firmes commerciales. Et comme toute firme commerciale, les laboratoires font de la pub. Avec les mêmes techniques.
De la pub dans les journaux spécialisés. C’est pas tout neuf, c’est toujours le cas dans la plupart des revues.
Il y a aussi plein de congrès ou de formations médicales sponsorisées par des laboratoires pharmaceutiques. Comme les dessins animés pour les enfants sponsorisés par une marque de biscuits ou de jouets.
Des experts médicaux vantent à la télé ou auprès des professionnels de santé les mérites d’un médicament ou d’un autre. Comme les joueurs de foot qui vantent les mérites de telle marque de chaussures.
Et puis il y a le porte à porte, la pub en direct, via les visites des représentants pharmaceutiques, les fameux visiteurs médicaux. Qui présentent avec un sourire ultra brite , en demandant comment se sont passées nos vacances, de jolies plaquettes qui expliquent en couleur comment le Bidulor améliore de 17% un résultat de prise de sang. Alors que ce qui compte c’est la qualité de vie du patient, qui elle n’est pas du tout améliorée par le Bidulor. Et que le Bidulor a en plus de rares effets secondaires graves qui seront marqués en tout petit petit sur l’arrière de la jolie plaquette.
La visite des représentants des firmes pharmaceutiques dans les cabinets des médecins, dans les hôpitaux, auprès des étudiants en médecine, c’est de la pub.
Même objectif. Mêmes techniques. La publicité mensongère est punie par la loi. Mais la vérité est photoshoppable.
Croyez-vous à tout ce que vous raconte la pub?
Achetez-vous un 4×4 simplement parce que c’est le dernier sorti et que la pub est sympa et vous a donné envie d’en avoir un?
Pensez-vous que la santé est un bien de consommation comme les autres?
Trouvez-vous normal que votre médecin soit soumis à de régulières pages de pub concernant les médicaments qu’il vous prescrit?
Si vous avez envie de répondre non, vous pouvez faire deux choses.
Vous pouvez simplement demander à votre médecin s’il reçoit les représentants commerciaux des firmes pharmaceutiques. Ce n’est pas parce qu’il les reçoit qu’il ne fait pas son travail correctement, bien sûr. Il y a d’excellents médecins qui reçoivent les visiteurs médicaux. Mais il a été largement démontré que la visite médicale influence les prescriptions. Même chez ceux qui se croient non influencés.
Et, que vous soyez professionnel de santé ou usager du système de soin, vous pouvez signer par ici une pétition lancée par B., pour demander à ce que ces pages de pub soient interdites.
Nous ne sommes pas les premiers à soulever le problème. Le Formindep le fait depuis des années, La Revue Prescrire le fait depuis des années, des voix s’élèvent régulièrement pour dénoncer cet état de fait. Petit à petit, tout doucement, ça commence à bouger. Le Médiator est passé par là, Diane 35 et les pilules de 3e et 4e génération. On se pose des questions sur les conflits d’intérêt des prescripteurs et sur leurs influences. Il faudrait passer à la vitesse supérieure, maintenant.
Le but n’est absolument pas de stigmatiser les visiteurs médicaux, qui font un métier difficile, souvent ingrat, dans une ambiance économique bien morose. Ils font leur travail, et souvent le font bien. C’est simplement que des techniques commerciales qui recherchent un profit maximal sont difficilement compatibles avec les enjeux de santé individuelle (pour chaque patient) et communautaire (pour le système de santé) majeurs que les professionnels de santé ont à gérer. Oui, l’interdiction des visites des représentants des firmes pharmaceutiques auprès des prescripteurs mettrait plein de monde au chômage, et c’est affreux. Mais l’interdiction du Médiator ou de pesticides dangereux met aussi du monde au chômage. C’est terrible pour les salariés concernés, qui n’y sont pour rien. Et je n’ai pas de solution pour rendre ça moins terrible. Mais je reste convaincue que je préfère une médecine sans pub.
http://farfadoc.wordpress.com/2013/02/1 ... -sans-pub/