Sympa cette petite analyse
"La vie de pro, c'est pas facile"...pour anecdote, quand j'étais gamine, j'ai vu passé un bodybuilder français dans ma famille dans les années 80. Première impression quand nous l'avons vu arrivé de Paris dans nos "réunions" de famille du week-end: il était magnifique, on n'avait jamais vu quelqu'un comme ça. On faisait tous beaucoup de sport: foot, gymnastique, tennis...mais pas de musculation à proprement parler. Il a tout de suite représenté l'accomplissement très fort de ce que quelqu'un qui va "au bout de son sport" pouvait devenir. Il était admirable.
Je n'ai aucune idée de la taille qu'il faisait mais dans mon souvenir, il était grand, c'était une montagne de muscle noire. Il était très doux, très affable, cultivé, intelligent, ça lui donnait une image de roc tranquille. Je ne me souviens pas l'avoir vu habillé autrement qu'en sportswear de type bodybuilding. Physiquement, ce sont ses cuisses qui m'ont le plus marquée. Sur un sportif ordinaire, on distingue rarement la forme d'une jambe dans un survêt' non moulant, là, ça lui allait comme un gant
c'était comme une sculpture.
Il me faisait parfois la surprise de venir me chercher à l'école primaire du village le samedi midi. Mes copains étaient fous et j'étais assaillie de questions le lundi
"Il va revenir, dis ?!"
Je me rappelle avoir visité une petite salle de musculation du coin avec lui, mon oncle étant du coup curieux et intéressé de peut-être s'inscrire et pratiquer. Je regardais tous ces outils de travail inconnus quand je l'ai vu faire quelques tractions à la barre. Je n'avais jamais vu un dos aussi énorme et j'étais hallucinée de voir quelqu'un qui me paraissait aussi "lourd" s'élever si gracieusement à la barre. A l'époque, je travaillais la barre fixe en gymnastique et j'avais déjà du mal avec mon poids plume
Je me rappelle aussi d'une routine de posing qu'il nous avait montrée. En slip, huilé, sur du Barry White. Je n'avais jamais vu ça, j'avais trouvé ça super classe et en plus, il m'avait demandé ce que j'en pensais
A l'époque, je ne voyais pas trop ce que mon avis de gamine profane pouvait bien lui apporter mais avec le recul et en pratiquant moi-même la musculation à mon humble niveau des années plus tard, j'ai compris qu'il nous expliquait beaucoup à tous, grands-parents, enfants...et avec intelligence, ce qu'était son sport, très simplement, en partageant.
Malheureusement, "la vie de pro n'est pas facile" comme le dit Michael, puisque ça n'a pas suffit à balayer les soucis de la vie sociale. Les petits inconvénients dont on rit tous au départ qui deviennent immenses, les aprioris qui grandissent, tout cela dû à une méconnaissance totale de ce sport même quand il est aussi bien expliqué et présenté.
Exemples qui me reviennent en tête: se déplacer en voiture. Dans la GS de mon grand-père, il était dans un inconfort total et ne pouvait pas boucler sa ceinture. Il était difficile pour lui de participer à la balade à pied post repas familial du dimanche parce que ça le fatiguait. Même chose pour un tas de petites sorties, déplacements...Quand nous voulions sortir le soir, il aspirait au repos.
A partir de là, tout le monde commence à se demander pourquoi c'est fatiguant pour lui alors que le gars est taillé comme un roc. A quoi donc servent tous ces muscles. Moi-même, j'étais déçue très souvent qu'il me dise ne pas pouvoir joué un peu au tennis ou au foot avec moi. Et, il avait beau expliquer très bien et avec douceur tout cela, obligé de dire non souvent à des activités qui pour nous étaient ordinaires, acceptant parfois par gentillesse au prix d'une grosse fatigue au retour, tout le monde a échoué à le comprendre.
Au fil du temps, les tensions apparaissent, tout s'effrite et ça devient difficile.
Ca m'est revenu à l'esprit quand j'ai vu dans ce film quelques images de bodybuilder avec des enfants en bas âge. C'est énormément de sacrifices. Et l'argent et les moyens, l'amour même, qui peuvent paraître pouvoir construire un peu plus d'équilibre sont fragiles et n'achètent ni ne rattrapent les petits moments de partage perdus.
J'imagine que le "baby sitting" d'un coach doit être un travail assez fou à ce niveau là. Quand on paye autant de sa personne dans ce sport, que le podium est cruel, le remue-ménage dans la tête doit être difficile.
Les sportifs professionnels sont toujours fatigués mais quand, par exemple, un Nadal prend du plaisir à jouer et réellement s'amuser à la pratique du golf à côté de son sport ou que les Monfils, Tsonga s'éclatent au foot et au basket, pour un bodybuilder, physiquement, j'ai l'impression qu'il n'y a pas grand chose de possible. Une activité de l'esprit, artistique comme celle de Kai Greene ne fait pas tout non plus. C'est mon humble avis personnel mais la notion de jeu, de jeu physique où l'on respire, me paraît vitale à l'équilibre. J'aimerais bien dans un documentaire voir ce que les bodybuilders font à côté. Si certains ont trouvé quelque chose de compatible avec leur sport.
Quand je vois toutes les photos d'Arnold à vélo, j'ai l'impression qu'il rattrape le temps perdu. Il a l'air heureux de pédaler (et d'écraser des trucs avec son char).
Peut-être que faire du cheval manque à Branch Warren (le pauvre, c'était flippant cette gamelle!)
A propos de Kai Greene, quand il fait des routines avec des mouvements de danse, j'ai l'impression que c'est aussi une façon de ramener un peu de cette notion de jeu physique, exclusivement pour son plaisir personnel et en se fichant pas mal de ceux qui n'aiment pas d'ailleurs (y en aura toujours) puisque , apparemment, il aimait danser avant de passer au niveau où il est aujourd'hui. Bon, j'extrapole là
J'ai fait long, j'espère que ça aura intéressé quelqu'un
mais j'ai beaucoup apprécié ce bodybuilder, c'est une chance de l'avoir croisé, j'en garde un très bon souvenir et une bonne leçon sur les aprioris qu'on peut avoir sur la musculation, sur ceux qui font le choix de la pratiquer à un humble comme à un haut niveau. De multiples petites leçons sur le sport, le partage, l'écoute...plein de bonnes choses.
Et aussi le souvenir de mon premier shake de prot un matin à Paris
Des blancs d'oeufs battus mélangés avec une dose de limonade blanche.
" Tiens, tu veux en goûter un p'tit verre ?
- Oui (intimidée et peu rassurée d'avoir regardé tourner le batteur)
- Alors ? c'est bon ?
- Hum ! c'est super bon !
- Ah ! (grand sourire)."
Lui buvait ça dans une grosse chope en chrome