
La carence en sélénium est associée à la gravité de la maladie, à une perturbation du traitement des récompenses et à un risque accru de suicide chez les patients souffrant d'anorexie mentale
Robertas Strumila Psychoneuroendocrinologie Volume 140, juin 2022, 105723
Points forts
• Les niveaux de sélénium sont associés à la gravité de la maladie dans l'anorexie mentale.
• Une carence en sélénium perturbe le traitement des récompenses dans l'anorexie mentale.
• Les patients présentant une carence en sélénium ont des altérations dans la façon dont ils perçoivent leur corps.
• La carence en sélénium est associée à un risque accru de suicide chez les patients souffrant d'anorexie mentale.
• Sur le plan neurobiologique, des altérations du système dopaminergique peuvent sous-tendre les différences observées.
Contexte et objectifs
Les patients atteints d'Anorexie Nerveuse (AN) présentent de nombreuses carences nutritionnelles (macro- et souvent aussi micro-nutriments), pouvant s'expliquer par leur apport alimentaire insuffisant. Des études antérieures ont rapporté que la carence en sélénium (Se) est courante dans la population générale. Comme le Se peut être facilement ajouté en tant que supplément, le but de cette étude était d'évaluer l'impact clinique d'une carence en Se chez les patients atteints d'AN.
Méthodes
Cette étude transversale a concerné 153 patients atteints d'AN (92,9 % de femmes) suivis à l'Unité des Troubles Alimentaires du CHU Lapeyronie, Montpellier, France. Les patients ont subi une évaluation neuropsychologique approfondie et ont rempli des questionnaires validés. Des échantillons de sang ont été prélevés pour la quantification de Se. Les résultats ont été comparés avec le test t, les tests Mann-Whitney U et Chi carré, et les modèles de régression logistique linéaire et multivariée univariés.
Résultats
Les taux plasmatiques de Se étaient inférieurs au seuil de 80 µg/L chez 53,6 % (N = 82) des patients. L'apparition de l'AN était plus précoce chez les patients présentant une déficience en Se (p = 0,005), alors que la durée de la maladie était comparable entre les groupes (p = 0,77). La symptomatologie générale des troubles alimentaires au cours des 28 derniers jours (Eating Disorder Examination Questionnaire) était plus sévère chez les patients présentant une carence en Se (p = 0,010). Le risque de suicide (MINI International Neuropsychiatric Evaluation) avait tendance à être plus élevé (p = 0,037) et les antécédents de tentatives de suicide étaient plus fréquents (28,39 % contre 9,85 %, p = 0,004) chez les patients à faible taux de Se. La concentration plasmatique de Se était corrélée négativement avec la performance dans la tâche d'actualisation retardée temporelle (p = 0,006).
conclusion
Nos résultats suggèrent que chez les patients atteints d'AN, la concentration plasmatique de Se pourrait être impliquée dans la gravité de la maladie et le risque de suicide. La découverte que la carence en Se chez les patients atteints d'AN n'était associée qu'à des processus liés à la récompense, mais pas à d'autres fonctions psychologiques suggère l'implication sélective des voies liées à la dopamine. Nos résultats suggèrent qu'il pourrait être utile de surveiller le profil plasmatique des micronutriments chez les patients atteints d'AN. Des études futures devraient déterminer si la supplémentation en Se dans l'AN pourrait améliorer les résultats cliniques.